23 mars 2023

Pourquoi vouloir parler de valorisation des cabinets à de jeunes experts-comptables, c’est plutôt un sujet abordé au moment d’une revente en fin d’activité, non ?

 

Sylvère DUQUENNE, Head of marketing campaigns, Cegid : Pas tellement quand on sait que là où certains jeunes se lancent sur une création ex nihilo, d’autres décident de racheter un cabinet. C’est pour cette dernière catégorie qu’il est important d’avoir en tête la façon dont on estime la valeur d’un cabinet.

Les négociations de valorisation s’appuient le plus souvent sur deux approches :

  • Le chiffre d’affaires
  • L’EBE normatif

L’approche par le chiffre d’affaires permet de se faire une première idée, mais ne suffit pas : plus les opérations sont importantes, plus c’est la rentabilité qui va rentrer dans l’évaluation de la valeur. Là où un cabinet de taille modeste vend un portefeuille de clients, un plus grand vend davantage une organisation.

L’approche financière entre alors en ligne de compte. On considère un multiple de 4 à 5 fois l’EBE (Ebitda) normatif, retraité de la rémunération du gérant, auquel vient s’ajouter le solde d’endettement financier. Pour la même raison, la valorisation des cabinets de plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires sera généralement basée sur ses trois derniers exercices, tandis que pour les plus petits on s’arrêtera au portefeuille à date.

Outre l’évaluation-même du cabinet, les moyens pour améliorer la valorisation d’un cabinet sont un sujet intimement lié à la stratégie du cabinet : quelle est mon offre de services ? Comment dois-je la structurer, la personnaliser, avec un prix de vente forfaitaire fixe, sur mesure ? Un exemple très concret pourrait être l’utilisation de tableaux de bord : le service peut se suffire à la mise à disposition de l’outil… ou bien il peut permettre des optimisations, des projections, du conseil, et ça, ça a vraiment de la valeur !

En matière de création de valeur, l’action sur les coûts s’avère donc indissociable d’une révision de sa politique de prix. Dans les cabinets d’expertise comptable comme dans la plupart des entreprises, il s’agit là d’une démarche stratégique qui s’appuie sur un véritable projet de cabinet.

 

Vous prenez l’exemple d’outils en lien avec la digitalisation des cabinets ; cette dernière ne peut donc pas être mise de côté dans cette valorisation ?

 

En effet, jusqu’à présent les missions de conseil ou à plus forte valeur ajoutée étaient assurées exclusivement par l’expert-comptable ou l’associé sortant. Par conséquent, le flux d’affaires n’était plus assuré après son départ.

La situation est différente si l’expert-comptable a développé les savoir-faire de ses collaborateurs à travers une formation adéquate et un référentiel de pratiques, de méthodologies et de normes de sécurité. S’il a su encourager chez eux l’autonomie et l’innovation, et développer le sens du conseil et de la relation commerciale, de sorte à pouvoir leur confier des missions à valeur ajoutée au lieu de les réaliser lui-même, la seule référence au total des lettres de missions n’offrirait pas une évaluation équitable.

 

Vous parlez de « transférer » ces compétences chez les collaborateurs, cela implique-t-il de faire évoluer leur périmètre actuel ?

 

Dans le cas d’un rachat de cabinet : oui, mais pas que. Le jeune expert-comptable qui rentre dans cette démarche doit créer les conditions pour que ses collaborateurs aient le temps et les outils pour pouvoir porter ce type de missions.

Vendre des missions à plus forte rentabilité est une chose, mais le socle de la profession reste la maîtrise de la chose réglementaire.

En revanche, tout ce qui est répétitif dans ces phases doit être automatisé.

On parle alors des sujets du moment autour de l’automatisation dans la collecte et le traitement des données comptables, mais aussi de tableaux de bord avec de la donnée temps réel pour conseiller au mieux les clients du cabinet.

 

Donc une fois encore : tous les sujets mènent au développement du conseil, même sur un sujet comme la valorisation des cabinets ?

 

Oui, clairement ! L’IA vient encore ajouter de nouvelles cordes à l’arc des cabinets, sous forme de web services par exemple.

En résumé : l’avenir est sûrement à plus de conseil, moins de règlementaire. Libérés des heures jadis nécessaires à produire des chiffres, les collaborateurs vont pouvoir se consacrer à les expliquer.

Au-delà, les possibilités offertes par l’usage des datas ouvrent grand le champ des possibles : des comparatifs avec des sociétés similaires (sectorielles ou géographiques, par exemple), des hypothèses de trésorerie dans le cadre d’une croissance rapide, des analyses du potentiel de tel emplacement commercial, etc. Autant de missions qui seront proposées à bon escient et qu’il faut apprendre à vendre si ce n’est déjà fait !

Plus productifs, plus concentrés sur les aspects valorisants de leur métier, les cabinets automatisés seront aussi plus rentables, et leur valeur intrinsèque ne pourra qu’en profiter. Ultime bonne nouvelle, seulement un quart de la profession a achevé à ce jour l’automatisation complète de l’acquisition des factures de vente et d’achats. Il y a donc encore matière à se différencier et donc à renforcer son attractivité compétitive.

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