13 juin 2022

Pour rappel, le dispositif Dutreil permet, sous réserve du respect de certaines conditions très précises, de faire bénéficier la transmission d’une entreprise d’une réduction de 75 % de l’assiette taxable aux droits de mutation à titre gratuit.

Initialement instauré afin d’encourager la transmission des entreprises familiales, la loi de finances pour 2019 était venue assouplir le dispositif codifié à l’article 787B du code général des impôts en abaissant notamment les seuils de détention de l’entreprise transmise ou encore en ouvrant l’engagement collectif de conservation à l’associé unique.

Dans le cadre d’une mise à jour de sa base BOFIP, l’administration fiscale avait apporté, il y a un an, le 6 avril 2021, des éclaircissements très attendus sur la mise en oeuvre du dispositif.

Ces commentaires avaient été, dans un premier temps, largement contestés par la doctrine des auteurs et les praticiens ; ces derniers estimant même qu’ils rajoutaient à la loi en dénaturant l’esprit du texte.

Finalement, dans la publication des commentaires définitifs, en décembre dernier, l’administration fiscale a tenu compte des critiques formulées.

 

Quelle est la nouvelle position de l’administration fiscale quant à l’exercice des fonctions de direction après la transmission ? 

Pour mémoire, dans le cadre du dispositif Dutreil, il est nécessaire qu’une personne ad hoc exerce dans la société éligible une fonction de direction (société assujettie à l’IS) ou son activité professionnelle principale (société non assujettie à l’IS), pendant le pacte et au cours des 3 années qui suivent la transmission.

L’exercice des fonctions de direction était la principale problématique des premiers commentaires de l’administration. En effet, la possibilité pour le signataire d’exercer les fonctions de direction après la fin de l’engagement collectif avait été remise en question.

Désormais, jusqu’au terme de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation (ECC et EUC) et pendant les trois ans qui suivent la date de la transmission, la fonction de direction peut être exercée :

» Par un associé signataire de l’engagement de conservation (collectif ou unilatéral) et ce, y compris lorsque cet associé transmet en cours d’engagement l’intégralité de ses titres ;

» OU, après la transmission, par l’un des héritiers, légataires ou donataires qui a pris l’engagement individuel de conservation.

Ainsi, un dirigeant qui souscrit un pacte (éventuellement seul), puis donne tout ou partie de ses titres à ses enfants, peut continuer à assumer personnellement la fonction de direction requise, pendant le pacte et après la transmission.

Cette situation se rencontre régulièrement en pratique notamment dans l’hypothèse lorsque les enfants sont mineurs ou, dans le cadre de grands groupes familiaux avec plusieurs générations d’associés, lorsque les donataires ne disposent pas des qualifications professionnelles nécessaires.

Lorsque l’associé, l’héritier, le donataire ou le légataire qui exerce la fonction de direction éligible décède en cours d’engagement (collectif ou individuel), il est possible qu’aucune autre personne (tenue par cet engagement collectif ou individuel) ne soit en capacité d’exercer la fonction. Dans ce cas, l’administration ne remettra pas en cause le régime de faveur, si un mandataire administre et gère l’entreprise pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers identifiés.

La tolérance s’applique uniquement lorsque personne n’est en capacité au sens juridique d’exercer cette fonction (enfants mineurs, incapables majeurs, etc.). Ce n’est donc pas le cas des enfants majeurs qui manqueraient de qualification professionnelle.

En outre, cette tolérance était jusqu’alors cantonnée aux entreprises individuelles. Elle concerne désormais toutes les sociétés.

 

L’activité de location meublée est-elle susceptible d’être éligible au Dutreil ?

Dans les premiers commentaires du BOFIP, la location meublée était expressément exclue de l’exonération Dutreil.

Dans ses commentaires définitifs, l’administration fiscale confirme sa position.

Ainsi, pour être éligible à l’exonération Dutreil, l’entreprise ou la société doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. La loi ne prévoit pas de définition, ni de qualification de l’activité de location meublée pour les DMTG.

L’activité de location d’immeubles constitue, d’un point de vue juridique, une activité civile, y compris lorsqu’elle est consentie meublée. En effet, la location de meubles, bien que commerciale, est réalisée à titre accessoire à la location d’immeuble.

 

Comment apprécie-t-on la qualité d’animatrice et l’éligibilité des sociétés holding animatrices au Dutreil-transmission ?

L’activité financière des sociétés holdings les exclut en principe du champ d’application de l’exonération partielle. Toutefois, il est admis d’appliquer le dispositif Dutreil aux transmissions de sociétés holdings animatrices, dès lors que le groupe exerce une activité éligible, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies.

Selon la jurisprudence, les holdings animatrices sont celles qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, ont pour activité principale :

» La participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;

» Et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (en ce sens, CE, as. Plan., 13 juin 2018, n° 395495. – Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955).

Pour être éligible au dispositif Dutreil, il convient de vérifier que ce caractère animateur est bien prépondérant. C’est sur ce point que l’administration, dans la mise à jour de sa base BOFIP, est venue mettre à jour ses commentaires en intégrant l’arrêt du Conseil d’État du 23 janvier 2020.

Elle indique désormais qu’en cas d’activité mixte, la prépondérance de l’activité éligible s’apprécie en fonction d’un “faisceau d’indices”.

Elle précise qu’à titre de règle pratique, l’activité opérationnelle est prépondérante dès lors que le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50 % du montant de son chiffre d’affaires total et que la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total.

Au-delà de cet exemple, l’administration ne précise pas davantage les critères du faisceau d’indices. Ces derniers seront donc déterminés par la jurisprudence au fur et à mesure des décisions.

En tout état de cause, les contrôles du caractère animateur sont fréquents et il est bon de sécuriser la qualification d’animatrice en constituant un dossier justificatif et en retraçant une véritable piste d’audit fiable de l’animation, et ce, plusieurs mois avant d’opérer à la transmission. Il est également préconisé de réinvestir une partie de l’actif patrimonial de la holding dans l’activité du groupe ou une nouvelle activité opérationnelle, ou bien, d’exfiltrer la trésorerie par distribution de dividendes ou par réduction de capital (y compris par rachat de titres pour limiter le coût fiscal).

Enfin, rappelons que l’appréciation de la prépondérance de l’animation s’apprécie, en toute logique, au moment de la conclusion du pacte Dutreil ou de la transmission en cas d’engagement réputé acquis, et jusqu’au terme des engagements de conservation (collectifs ou unilatéral et individuel).

 

A-t-on davantage de précision sur le délai à respecter entre la mise en oeuvre opérationnelle d’une animation et la date de la transmission ?

Aucune durée d’existence minimum n’est imposée par la loi ni par le Bop avant de procéder à la transmission Dutreil.

Un délai de 6 mois à 1 an est aujourd’hui préconisé par la doctrine et la jurisprudence afin de constituer un dossier matériel justifiant de l’effectivité de l’animation (constitution et tenue des premières réunions du comité stratégique, PV de réunion, directives aux filiales et mise en oeuvre opérationnelle de ces dernières…).

 

Dans l’hypothèse d’une interposition, y a-t-il eu un assouplissement sur la notion de pacte unilatéral conclu par une holding seule ?

Dans ses premiers commentaires, l’administration fiscale prétendait subordonner l’application du dispositif à la souscription par le donateur de l’engagement collectif de conservation conclu sur les titres de la société.

Le donateur devait directement, en qualité de personne physique, détenir au moins une part en pleine propriété dans la société interposée.

Cette position privait d’efficacité l’engagement unilatéral de conservation souscrit par une personne morale contrairement à l’esprit de la loi de finances de 2019. Dans ses commentaires définitifs, l’administration fiscale supprime cette condition.

Elle admet désormais que l’engagement collectif conclu par la société interposée sur les titres de la société cible permette aux associés de la société interposée de bénéficier de l’exonération partielle lorsqu’ils transmettent les titres de cette dernière société, et ce, même s’ils ne sont pas associés de la société cible ni signataires du pacte d’associés. Toutefois le maintien du niveau de détention doit rester inchangé pendant toute la durée des engagements. Pour mémoire, cette condition, applicable à chaque niveau d’interposition, s’apprécie en nombre de titres et non en pourcentage.

Mélanie COLLU, Directrice de l’ingénierie patrimoniale chez Expert & Finance

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