Si les ressortissants sénégalais peuvent réaliser les 36 mois de leur stage dans leur pays, le règlement du stage permet aussi à tout stagiaire d’y effectuer une année. Bien sûr, la destination fait rêver… Mais le stagiaire attiré par cette expérience hors du commun devra s’assurer de bien prendre en compte certains paramètres avant, pendant et après son expatriation s’il veut en retirer le meilleur. Karim Léandre NDOYE, actuellement en 3e année de stage à Dakar nous livre son témoignage sans langue de bois.
Un parcours international
J’ai été diplômé du DSCG en 2017 ; par la suite, j’ai entamé mon stage d’expertise comptable dans un cabinet franco-britannique, à Londres, chez qui j’ai réalisé plus de deux années de stage. Voulant faire du commissariat aux comptes, j’ai pu avoir un co-maître de stage CAC à Paris. Puis, j’ai décidé de finaliser mon stage au Sénégal, en restant affilié à l’Ordre de Paris Ile-de-France. Mon choix du Sénégal est la résultante de plusieurs facteurs. Le COVID-19 et le confinement ne me permettaient pas de venir à Paris réaliser mes heures d’audit et de rédiger mon rapport sur le commissariat aux comptes. La période fut difficile pour moi. Il fallait trouver une solution le plus vite possible pour prendre de l’expérience en audit. Pour cela, j’ai décidé de quitter l’Europe car j’y étais handicapé par les multiples confinements et par les difficultés de déplacement entre les pays et mêmes les villes. De plus, ayant ma famille au Sénégal et étant Sénégalais, j’ai décidé de rentrer et de travailler pour un Big implanté là-bas, qui est aujourd’hui le plus grand cabinet d’audit en Afrique de l’Ouest. Ce fut une très bonne opportunité pour moi dans l’objectif de parfaire mon expérience en tant qu’auditeur financier.
Une expérience non sans difficultés
La principale difficulté est de s’adapter à la réalité du pays. J’ai grandi au Sénégal, cependant, j’ai réalisé toutes mes études supérieures en Europe.
La réadaptation a été plus compliquée que prévue. La population sénégalaise est gentille et souriante. C’est un plaisir de travailler avec eux. Les clients sont très bienveillants, voire trop amicaux, cependant ils ne sont pas très coopératifs. Il est difficile d’obtenir des réponses à nos questions en tant qu’auditeur.
De plus, l’organisation interne des entreprises est parfois très laxiste, entrainant de forts risques aux sociétés et des pertes de documents importants pour l’exercice de nos missions. Je dois dire que j’ai entendu l’expression “ce n’est pas grave” beaucoup trop souvent à mon goût au Sénégal, où le stress n’est pas envisageable.
Par ailleurs, j’ai appris que mes heures d’audit ne pourraient être comptabilisées car elles n’avaient pas été réalisées en UE. J’avais pensé à tort que les faire dans un Big, implanté aussi en Europe, me permettrait tout de même de les valider. Rétrospectivement, je n’avais pas le choix car les cabinets en France ne recrutaient pas pendant le confinement. J’étais dos au mur dans tous les cas mais j’ai décidé de rebondir malgré tout.
Projet post-diplôme
Actuellement, je me vois continuer au Sénégal mais je reste hésitant sur deux options. Soit continuer dans un cabinet et racheter des parts, soit trouver une bonne opportunité comme directeur financier dans une grande société du Sénégal. Il faut noter que les salaires sont très bas dans le pays. Si on n’est pas propriétaire de son propre business ou à un poste à responsabilité, il est difficile de joindre les deux bouts. La vie est chère et les salaires sont bas. En tant qu’expert-comptable et commissaire aux comptes*, outre le fait d’être son propre patron, on peut prétendre à des revenus très élevés. En effet, un expert-comptable au Sénégal bénéficie de faibles charges de personnel car la main d’oeuvre ne coûte pas cher. De ce fait, les bénéfices grimpent très vite et les dividendes également. L’autre option consiste à être DAF dans une grande société au Sénégal. Le stress y est moins important qu’en cabinet, l’intensité de travail également et le salaire avantageux. Cela permet d’être mieux investi dans notre vie personnelle.
Conseils aux personnes souhaitant réaliser leur stage au Sénégal
Avant de venir au Sénégal, je conseille aux stagiaires de réaliser au préalable leurs deux années de CAC en France ou en UE, afin de pouvoir justifier des 200 h, et de valider leur rapport sur l’audit. Ce conseil ne concerne pas les personnes voulant être uniquement expert-comptable. Je vous conseille de souscrire à une assurance en France. Cela permet d’être rapatrié en cas d’urgence et de bénéficier de remboursement sur vos frais de maladie. Soyez conscient que votre salaire sera très bas en tant que expert-comptable stagiaire. Un stagiaire bien payé dans un grand cabinet sera à 1 200 € brut par mois après 3 ans d’expérience.
C’est le prix à payer pour vivre les pieds dans l’eau. A mon sens, si vous souhaitez faire votre stage au Sénégal, il faut un projet à long terme (vivre auprès de ses proches ou bien racheter un cabinet au Sénégal et prévoir de s’y implanter). Une expérience d’une année est trop courte pour être pleinement valorisée.
* Les heures de CAC réalisées au Sénégal dans le cadre du stage DEC permettent d’être commissaire aux comptes dans ce pays après l’obtention du diplôme.