21 avril 2020

« Est-il moral d’envisager la facturation d’honoraires pendant le Covid-19, alors que tant de chefs d’entreprise stressent, voire paniquent ? Ne serait-il pas malvenu de profiter de situations parfois désespérées pour essayer de soutirer quelques euros à des dirigeants dont l’avenir s’est subitement assombri le lundi 17 mars 2020, date de l’annonce du confinement ? Laissons cela à d’autres métiers, la profession comptable doit avant tout préserver son image et son honneur ».

Cette diatribe est une fiction, mais facile à imaginer dans la bouche de gens bien-pensants, prêcheurs politiquement corrects, des #jenecomprendsrienalavente qui ont une représentation si négative de la vente qu’ils ne se lassent pas de la dénigrer avec véhémence et certitude.

Cette chronique s’adresse donc aux autres, à celles et à ceux qui s’interrogent sur la compatibilité entre « vente » et « éthique ». Elle existe et leur effort de réflexion pourrait leur être doublement bénéfique : non seulement, mieux vivre la vente, mais également, développer leur chiffre d’affaires, tout ceci sans manquer d’éthique.

D’abord, l’UTILITÉ

Le covid-19 aura éclairé une profession placée en 1ère ligne : les soignants. C’est mérité, tant il parait difficile de ne pas saluer leur professionnalisme et leur dévouement. D’autres professions dites de « l’ombre » auraient également mérité d’être saluées, la profession comptable en fait partie. Mais cela fait bien longtemps que le grand public ne s’intéresse guère au monde de l’entreprise qui, de surcroît, va être aidée à hauteur de 300 milliards. Tôt ou tard, ne doutons pas que certains sauront même reprocher aux dirigeants d’avoir profité de cette crise pour se « gaver ». Dans la réalité, nous savons ce qu’il en est.

Nous, ce sont les professionnels du chiffre bien sûr, mais également les clients des cabinets qui ont pu, eux aussi, saluer leur professionnalisme et leur dévouement. Tiens, on retrouve les qualificatifs utilisés ci-dessus pour les soignants : normal, le rôle est similaire, les uns pour les personnes physiques, les autres pour les personnes morales, quand ce n’est pas les deux.

Les dirigeants n’ont pas attendu le covid-19 pour attendre de leur cabinet la satisfaction d’un besoin simple : une aide utile. Cette notion d’utilité est biforme :

  1. Technique, par exemple la demande d’un PGE ou le recours au chômage partiel ;

  2. Humaine, par exemple une forte disponibilité, dans ces moments de stress aigu.

En cette période de crise, les dirigeants ont eu la confirmation que leur cabinet d’expertise comptable était bien leur interlocuteur privilégié. Aucune autre profession ne jouit du même positionnement auprès des dirigeants : la relation avec la banque s’est distendue depuis quelques années, l’avocat est un intervenant ponctuel et peu fréquent dans la TPE, le consultant est seulement de passage, le notaire s’occupe peu des affaires professionnelles, etc. 

Ainsi, sous pression comme ils le sont actuellement, les dirigeants constatent que leur expert-comptable est finalement un « bras-droit » disponible, attentif, compétent, rassurant, dont les valeurs professionnelles et humaines sont la fondation d’un partenariat incomparable. Leur utilité constitue l’ADN de la relation-client.

Le collaborateur est évidemment au cœur de ce constat : rouage essentiel, il est à l’origine d’un taux de fidélisation extrêmement élevé de leur clientèle. En effet, les cabinets perdent annuellement moins de 3% de leur clients du fait d’un départ à la concurrence (hors autres motifs de départ comme la cession ou la cessation d’activité). L’occasion de saluer le travail exemplaire des collaborateurs, et leur rôle essentiel dans une relation-client de qualité.

Ensuite, la VALORISATION

Le problème de l’utilité, c’est qu’elle n’est pas toujours perceptible : vous pouvez en être convaincu.e sans que votre client ne le soit. Frustrant, non ? Aussi, si vous estimez qu’il existe un décalage entre la qualité « produite » par le cabinet et la qualité « perçue » par le client, à vous de faire preuve de pédagogie . Sinon, comment défendre efficacement ses honoraires ? Ce point essentiel est traité dans le « Guide du marketing pour les cabinets » rédigé pour le Congrès 2015, où j’avais intitulé le chapitre 25 : « Éduquer le client à ses problèmes ». Aussi, valorisez tout ce qui est dit et tout ce qui est fait par le cabinet.

Partez du principe que votre client sous-estime la difficulté de votre travail, et n’hésitez pas à manquer d’humilité. Pour ce faire, remémorez-vous cette croustillante anecdote : on raconte qu’un étudiant en Beaux-Arts ayant reconnu Picasso dans la rue dans les années 60, aurait sollicité la réalisation d’un dessin sur une petite toile qu’il portait avec lui. L’artiste s’y prêta de bonne grâce, et dessina un croquis en quelques minutes. Aux anges, l’étudiant le remercia vivement, non sans oublier de demander s’il devait quelque chose : affirmatif, Picasso lui aurait indiqué un prix d’environ 100.000 € d’aujourd’hui. Abasourdi, l’étudiant se serait exclamé : « une telle somme pour 2mn ?! ». Ce à quoi le maître aurait rétorqué : « pas pour 2mn, pour 40 ans de créativité ». Votre cabinet est utile, votre métier est complexe, dites-le haut et fort !

Évidemment, cette obsession de la valorisation concerne l’ensemble du cabinet, pas seulement l’expert-comptable. Le secrétariat par exemple contribue directement à valoriser l’image du cabinet et les travaux réalisés par d’autre personnes. C’est la raison pour laquelle se développent au sein des cabinets des chartes de communication que nous appelons, pour le clin d’œil, « OEC » : non pas pour Ordre des Experts-Comptables, mais pour Orale, Écrite et Comportementale. Un rappel de règles de bon sens, loin d’être inutiles pour tous : nous savons combien le bon sens commun n’est pas pratique commune. Ces chartes sont un superbe exemple d’outil de développement des soft skills, ces aptitudes relationnelles qui sont le complément indispensable des compétences techniques. En quelque sorte, la valorisation au service de l’utilité : CQFD.

Enfin, la FACTURATION

Parce que vous êtes utile ET que vous avez su valoriser cette utilité, alors vous pouvez envisager de facturer. Facturer tout et à tout le monde ? Bien sûr que non ! C’est ici que trop de gens font une erreur de raisonnement : avec la vente, ne soyez pas binaire, « 1 ou 0 », « tout le monde ou personne », faites preuve au contraire de nuance en choisissant de facturer certains clients, et pas d’autres.

Pour quelles raisons facturer certains clients ? Ça vous regarde : conviction que toute peine mérite salaire, temps important passé sur le dossier, résultats obtenus significatifs, implication personnelle de votre part, au détriment d’autres clients et parfois même de votre vie privée, peu importe.

Inversement, pour quelles raisons ne pas facturer d’autres clients ? Même réponse, ça vous regarde : un.e ami.e, un fidèle client toujours réglo mais en difficulté, là encore, peu importe. L’important est de le faire délibérément, en veillant à ne pas s’abriter derrière de fausses excuses : « en réalité, je n’ose pas annoncer le prix », « je crains sa réaction », « pourrait-il.elle quitter le cabinet ? », etc.

Voici une autre recommandation à mûrir : utilité ET valorisation sont l’antichambre de la facturation. Ainsi, ne laissez jamais un client penser que la prestation du cabinet n’a pas de valeur. Sinon, comme indiqué précédemment, ne vous étonnez pas d’avoir les plus grandes difficultés à défendre vos honoraires. Pire, votre client pourrait déconsidérer ce que vous avez fait pour lui, et le chanter sur tous les toits : un comble au regard des efforts fournis !

En conclusion

Pour clore cette chronique, gardez à l’esprit que la vente d’une prestation est éthique dès lors qu’elle est une représentation fidèle de l’utilité fournie au client, qui en prendra d’autant plus conscience que le cabinet aura su la valoriser. Alors maintenant, préférez les actes aux mots : ne décrétez pas une vente éthique, pratiquez-la.

Le mois prochain, dans le prolongement de cet article, je vous détaillerai 10 conseils susceptibles de vous aider à mieux vivre l’acte de vente, mais également à vendre plus efficacement. Pas de théorie, que du terrain, ce que vous recherchez.

 

Pascal viaud

@ pascal@viaud.info

In  pascalviaud

 

Titulaire du DEC et d’un MBA Marketing, Pascal VIAUD est consultant, conférencier, auteur d’ouvrage dont le « Guide du marketing pour les cabinets », formateur et concepteur de support CFPC. Il accompagne les cabinets dans le structuration de leur démarche marketing, commerciale et managériale.

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