22 mars 2024

La commission internationale de l’ANECS s’interroge sur la vie des « DEC’xpats » et va au contact des stagiaires d’ici et d’ailleurs. Pour ce numéro, Benjamin Wein, membre de la Commission Internationale de l’ANECS, a interviewé Tina Nguyen pour un récit sans frontières.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Française de 29 ans, d’origine vietnamienne, je suis arrivée en France avec ma famille à l’âge de deux ans et suis restée en Eure-et-Loir jusqu’au lycée. À la suite d’une année de médecine, j’ai laissé mon attraction pour les métiers du chiffre et du conseil s’exprimer pleinement : en quelque sorte, j’ai cherché à devenir un “médecin pour les entreprises”. Le DSCG en poche et trois années d’apprentissage au compteur, je me suis lancée dans le stage d’expertise comptable dans un cabinet familial parisien. Mon aventure d’expat’ a réellement commencé avec une expérience de six mois à Madagascar, suivie par la Suisse, où je viens tout juste de terminer ma 3e année de stage. J’occupe une place au sein du service audit interne et enquête de fraude dans une association humanitaire internationale.

Partir à l’étranger : compromis, ambition ou opportunité ?

Sans hésiter, il s’agit d’une ambition, mais qui n’attendait qu’une opportunité pour se réaliser. Lorsque j’ai pris le poste de collaboratrice à Paris, j’ai ressenti l’adrénaline de la découverte d’une nouvelle ville – et quelle ville ! – d’une nouvelle mentalité, de nouvelles problématiques professionnelles… Mais après deux ans, je me sentais de nouveau prête personnellement et professionnellement à partir pour de nouveaux horizons et loin s’il le fallait. Après tout, la fameuse année dérogatoire du stage d’expertise comptable répondait parfaitement au projet.

Quelles méthodes avez-vous employées pour trouver le poste et préparer vos entretiens d’embauche ?

J’ai épluché tous les sites d’annonces d’emplois possibles qui pour moi donnaient plus de chances aux candidats à l’expatriation. Un Big basé à Madagascar a rapidement donné suite à ma candidature. J’ai été reçue en entretien au siège à Paris puis, d’un commun accord, je partais pour un contrat de six mois, renouvelable. Trouver ce poste et mettre en place les démarches administratives m’a pris deux mois mais bien plus en termes de préparation mentale et de recherches sur les conditions de vie du pays !

Le stage DEC : comment amener le sujet à l’employeur et quelles difficultés avez-vous rencontrées sur le plan administratif ?

Initier l’expatriation m’a valu une démission, de surcroît mal accueillie car incomprise. Il faut être conscient de ce risque afin de vivre au mieux la période de préavis. Concernant la gestion administrative du stage, tout semblait clair. Il fallait informer de la cessation du lien avec l’employeur et donc avec le maître de stage, puis en retrouver un dans le délai imparti d’un mois.

Ce délai fut dépassé pour mon cas car mon nouvel employeur ne prenait des stagiaires qu’à l’issue de leur période d’essai : je n’ai donc pas pu reprendre le stage dans le temps imparti et j’ai été suspendue. Cinq mois plus tard, je devais décider de la valorisation, ou non, des trois mois restants au titre de l’année dérogatoire. J’ai pris la décision opposée et informé le service du stage de la prolongation volontaire de ma suspension. En effet, c’est en travaillant à l’étranger que j’ai réalisé à quel point notre profession est vaste. La décision de suspendre volontairement mon stage correspondant à un besoin de prendre du temps et du recul pour orienter mes futurs choix professionnels.

Parlez-nous de votre expatriation : préparation, arrivée, acclimatation…

On ne prépare pas de la même façon un départ pour Madagascar qu’un départ pour la Suisse ! J’avais eu beau lire des articles, des forums, discuter avec une connaissance déjà installée à Madagascar, le premier jour à Antananarivo (je sais, c’est imprononçable), fut tout de même un choc. Tout est différent : les paysages, l’architecture des villes, la langue, les gens… ce qui te fait perdre temporairement tes repères. Mais ce sont la vie sociale et la nourriture qui ont constituées pour moi les plus gros changements. J’ai eu la chance de m’installer dans une colocation, ce qui m’a tout de suite intégrée dans un réseau d’expats. Enfin, il faut se préparer mentalement à oublier tout ce qu’on connaît de notre confortable vie d’Européen, surtout lorsque l’on part pour l’un des pays les plus pauvres du monde.

En quoi votre métier là-bas différait-t-il de votre ancien job en France ? Que dire de la culture métier, des règlementations ?

Là encore, on réapprend tout ! Ce qui m’a agréablement surprise, c’est la valorisation de mon expérience française à Madagascar. Le cabinet m’a tout de suite mise à une position de team leader. De même, les collègues avaient pleine confiance sur mes guidages de missions, notamment sur les questions techniques. C’est ainsi que j’ai réalisé la qualité de l’éducation et du niveau de la formation que nous avons reçue en France.

Que ce soit pour Madagascar ou la Suisse, il a fallu un effort plus poussé dans les premières semaines afin de me mettre à jour de la règlementation locale. Mais c’est à la portée de tous, nous avons été entraînés pour les raisonnements techniques, la mémorisation et une flexibilité suffisante en cas de changement de règlementation. Et cela arrive relativement couramment en France, non ? Enfin, un exemple de la culture métier : ma manager m’a recommandé au bout de deux semaines, de porter des talons… Ce qui m’a semblé aberrant et drôle (#businessdresscode) !

Et la préparation au diplôme dans tout cela ?

Mes expatriations à Madagascar, puis en Suisse, m’ont fourni une telle matière professionnelle que le mémoire du DEC a cessé de paraître inaccessible. La reprise du stage m’a apporté deux challenges à relever. La première est la gestion du temps : avec le rythme soutenu de mes missions à l’étranger, il est assez facile de se sentir déconnecté(e) de la formation, ou du moins désorienté(e). Mais les calendriers de formation et d’e-learning seront toujours là, il faut s’y coller ! D’ailleurs, cela constitue mon deuxième challenge. Me remettre au courant de mes obligations du stage, de son fonctionnement et m’assurer de rattraper les éventuels retards.

Avez-vous d’ores et déjà des projets post DEC ?

A court terme, il s’agit de faire valoriser mon DEC dans l’organisation dans laquelle je travaille, et pourquoi pas, au niveau de la Suisse. Notre formation est très peu connue en dehors de France, bien qu’académique et, qui plus est, règlementée. Les normes professionnelles françaises sont d’une exigence bien plus élevée que la plupart des autres règlementations internationales. A moyen ou long terme, je verrai les opportunités offertes par la vie ! Mon poste actuel m’apporte suffisamment de déplacement pour me maintenir éveillée et je me passionne de plus en plus pour cette spécialité dans les enquêtes de fraude. Mais peut-être m’installerais-je dans un autre pays de nouveau, ou bien rentrerais-je sagement en France pour apporter ma vision économique ou bien pour des projets familiaux.

Quelles astuces donneriez-vous à un stagiaire qui veut propulser sa carrière à l’international ?

Le français est une langue très forte à l’international. Mais parler une deuxième langue, l’anglais ou l’espagnol, confère un avantage indéniable lors du recrutement, ainsi que pour tisser des liens une fois dans le pays. Enfin, je dirais que si l’idée de vous expatrier vous a déjà traversé l’esprit, faites-le. C’est un pari optimiste, et vous sortirez toujours grandi(e) d’une expérience, c’est un principe. Un dernier conseil : connaissez-vous, ouvrez-vous et apprenez.

Le mot de la fin ?

Comme diraient les Suisses : Ça joue ou bien ?!

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