11 juillet 2018

La femme serait-elle l’avenir de l’expertise comptable ? Françoise SAVÉS, présidente de l’Association Femmes Experts-Comptables nous a confié ses ambition pour le sexe que l’on a qualifié autrefois de « faible » !

 

Françoise SAVÉS, vous êtes maintenant Présidente de l’Association Femmes Experts-Comptables. Pouvez-vous nous présenter le parcours qui vous a conduite à cette fonction ?

 

Je me suis beaucoup investie dans la vie professionnelle, tant au niveau de mon cabinet que dans les instances. Le fil rouge de cet engagement était, sans aucun doute, le désir de m’accomplir pleinement, de ne pas laisser les autres décider pour moi et de ne pas me laisser enfermer dans des stéréotypes. J’ai aussi toujours eu envie de partager des convictions, de faire tomber des barrières, de casser les codes. J’aime défendre les causes qui me tiennent à cœur ; elles sont d’ailleurs essentiellement d’ordre sociétal. Pour défendre une cause, j’ai besoin d’être convaincue de son intérêt général. Je suis donc pleinement une femme qui a été souvent très exposée, et j’ai pu mesurer toutes les embûches qui parsèment notre chemin. Je n’ai pas échappé à la culpabilité de ne pas être souvent avec ma famille. J’ai aussi subi des remarques désagréables liées à mon genre ou des compliments tellement lourds que je m’en serais volontiers passée !

Ayant pris désormais du recul sur le métier lui-même, j’ai eu envie de m’investir dans l’association car défendre la cause des femmes est pour moi un vrai sujet. Je fais la sourde oreille à tous ceux et aussi celles qui pensent que chez nous, ou dans le monde de l’entreprise, tout va bien. « Après tout, ce n’est pas un problème de genre mais de compétence ! »  Non, ce n’est pas la vérité, il y a tant à faire pour que les femmes trouvent leur place !

 

Comment est née cette association et quels en sont les objectifs ?

 

En 2010, l’association est née sous l’impulsion d’Agnès BRICARD, pour se saisir d’une double opportunité législative :

-La loi n°2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services autorisant les experts-comptables à être administrateurs.

-La loi Copé-Zimmermann sur la parité, prévoyant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises.

Ainsi l’AFECA, Association des Femmes Diplômées d’Expertise Comptable Administrateurs, comme son nom l’indique, avait un objet ambitieux et très ciblé. A ce titre, elle a mis en place un observatoire qui, chaque année, faisait l’état des lieux de l’application de la loi. Précisons que jusqu’au 1er janvier 2017, le quota de 40 % était une incitation et non une obligation. L’Association a donc agit pendant 6 ans pour promouvoir la mesure et en faciliter la mise en place. Elle a accompagné les consœurs qui souhaitaient se former à la mission d’administratrice. Elle a participé à la création de la FFA (Fédération Femmes Administrateurs) et à celle EWoB, European Women on Boards. Pas à pas, elle a occupé sa place dans le paysage des réseaux féminins et a rencontré un vrai succès dans la profession. A l’évidence, au-delà de l’objectif initial, les femmes experts-comptables étaient heureuses de se fédérer autour de sujets communs et d’échanger entre elles.

 

Depuis votre arrivée à la Présidence vous avez impulsé une nouvelle gouvernance. Pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?

 

En tant qu’adhérente, j’avais apprécié que l’association s’ouvre à d’autres sujets, au-delà des mandats d’administratrice. Aussi, en arrivant à sa tête, j’ai amplifié ce mouvement. J’ai élargi l’objet car j’avais envie de traiter de la féminisation de la profession. Renforcer l’attractivité du métier d’expert-comptable auprès des femmes, parvenir à un meilleur rapport femmes/hommes dans la profession, œuvrer pour la parité dans les instances professionnelles, furent dès lors les points mis en avant.

Nous avons aussi souhaité promouvoir le rôle des femmes experts-comptables dans la gouvernance des organisations, privées et publiques, les sensibiliser et les former à la fonction de dirigeante et bien entendu d’administratrice. Comme je pense que le cabinet est un bon laboratoire d’expérimentation, je suis certaine que les femmes de la profession ont aussi un rôle à jouer en tant que conseil de leurs clients pour la mise en œuvre  de la parité et de la mixité dans l’entreprise, véritable levier économique et enjeu de responsabilité sociale.

Les femmes inscrites à l’Ordre sont  5.250

sur une population totale de 19.733, soit 26,61 %

Les femmes inscrites à la Compagnie des CAC sont  2.824

sur une population totale de 13.207, soit 21,38 %

 

Dans la pratique, comment ces objectifs se déclinent-ils ?

 

J’ai élargi le collège des adhérentes pour être en phase avec mes objectifs. Nous accueillons les femmes experts-comptables, commissaires aux comptes, diplômées d’expertise comptable en entreprise et experts-comptables stagiaires. Les hommes ne sont pas exclus ! Nous avons ouvert à des bienfaiteurs, ceux qui soutiennent les objectifs de l’association.

Nous proposons des conférences, des ateliers interactifs et des formations, autour de sujets qui peuvent être des freins à l’évolution de la carrière des femmes. Notre conférence sur le Leadership au féminin avec Elena FOURES, auteur d’un ouvrage sur le sujet, a rencontré un vif succès. Elle montre l’intérêt, voire la nécessité, compte tenu des enjeux de la guerre des talents et de la guerre économique, de définir la « gender » diversité, de décrire ses caractéristiques et de combattre les clichés sexistes. Nous venons de lancer le thème de la force de la voix, avec Christine MOUSSOT, auteure de l’ouvrage « femmes faites-vous entendre ! ». Sans oublier nos rencontres essentiellement festives ! Avec un réseau de 25 délégués régionales, nous avons l’ambition de déployer nos actions dans toutes les régions. Nous étudions aussi la parité dans les instances professionnelles, Ordre des EC, Compagnie des CAC, CJEC, ANECS et les Syndicats. Nous avons décerné le premier prix de la parité en 2017 au CRO d’ORLEANS et la CRCC de BORDEAUX. Cette année, ce sera le tour des sections locales du CJEC et de l’ANECS qui seront à leur tour récompensées au congrès. Nous décernerons aussi un prix au cabinet qui se sera distingué au niveau de la parité de sa gouvernance.

L’Association anime un réseau relationnel

entre ses membres grâce à son annuaire.

 

Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui à une jeune femme qui entre dans la profession ?

 

De vite nous rejoindre pour échanger et s’entraider ! Pour le congrès 2018, nous éditerons un ouvrage qui sera distribué gratuitement à nos adhérentes. Son but est d’aider nos consœurs ou nos futures consœurs à lever les freins et à trouver les bonnes voies pour s’accomplir pleinement dans ce métier. Elles ont avant tout le souhait de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle. Elles ne veulent rien laisser sur le bord de la route. Pour réussir, elles devront en premier lieu se débarrasser de tout sentiment de culpabilité. Elles devront renoncer à vouloir tout maîtriser dans les domaines qui leur sont culturellement attribués : la maison, les enfants, les courses… Au travail, elles devront apprendre à se mettre en avant plutôt que de vouloir dans toutes les situations être les plus efficaces… Les hommes savent très bien faire cela. Avant tout, elles devront savoir faire des choix, se demander ce qui est important pour elles et se fixer des priorités claires à court, moyen et long terme pour la sphère professionnelle et pour la sphère privée.  

Ces valeurs féminines innervent aujourd’hui toute une génération, femmes et hommes, par choix ou par nécessité face aux problèmes de familles monoparentales, de familles recomposées… Rien n’est et ne sera comme avant. Les femmes doivent en prendre conscience pour saisir ces changements comme autant d’opportunités. Ce métier présente l’avantage de pouvoir faire des choix sans se laisse enfermer dans un modèle aujourd’hui dépassé.

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