6 janvier 2017

Découvrez l’édito de Philippe Arraou, Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables, à paraître dans le 131e numéro de Données Partagées :

Les experts-comptables français doivent-ils craindre la construction du marché unique européen ? Il y aurait de bonnes raisons, du fait de l’originalité de notre modèle. La règlementation extrême de notre exercice professionnel date de la culture politique de l’après-guerre en France, avec un équilibre entre le public et le privé, qui fait des cabinets français des acteurs de l’économie de marché, mais guidés par des règles d’intérêt général, sous la surveillance de l’Etat. Il est évident que ce schéma n’est en rien comparable avec celui des autres Etats membres de l’Union Européenne, ni compatible avec l’esprit du Traité de Rome qui vise à construire un marché unique. Pourtant notre réglementation a été épargnée par la transposition récente de la Directive « Services ». Ce que l’on appelle vulgairement le « monopole » de la mission de tenue des comptes s’est accommodé des contraintes imposées par l’Europe. Certes, il a fallu assouplir notre déontologie : ouverture du capital, interprofessionnalité, fin de l’interdiction de démarchage, missions de conseil à titre principal, etc. L’Europe s’attache à permettre la liberté d’installation, d’association, d’activité, de prix, d’offre de services, en un mot à créer la concurrence. Mais l’Europe n’est pas opposée à une réglementation dès lors qu’elle est justifiée. Elle entend les différences de culture, même si elle s’emploie à les combattre. Dans l’attente d’une harmonisation générale, elle accepte les particularités nationales. Voilà pourquoi notre règlementation française n’est pas menacée aujourd’hui. Elle le sera un jour, mais il faudra d’abord que notre « matière première » soit elle-même harmonisée. C’est mon argument majeur face aux autorités européennes. Deux sujets justifient du besoin de règles nationales pour l’exercice de l’expertise comptable. Tout d’abord la comptabilité : l’Europe n’a pas encore été capable de décider d’une normalisation comptable, et chaque Etat conserve ses propres normes nationales. Ensuite, la fiscalité, que les Etats ont toujours exclu du champ de l’harmonisation. Le jour où ces deux sujets feront l’objet d’une réglementation européenne, et qu’il n’y aura plus de différences en passant une frontière, alors la libre circulation des professionnels au sein de l’Union européenne ne sera plus un problème ! Le retard dans la construction du marché unique vient donc bien des Etats, et non pas des professionnels, comme cela est généralement évoqué. Voilà pourquoi bien qu’Européen convaincu, je suis un ardent défenseur de notre réglementation française.

Philippe Arraou
Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables

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