11 juillet 2016

Le rapport du Président du jury, comme les différents séminaires de formation pour la préparation du mémoire, pointent régulièrement du doigt la question du plagiat dans le cadre de l’épreuve de soutenance du mémoire d’expertise comptable. Il s’agit là d’une question importante. Le développement du numérique et l’immensité des informations disponibles sur internet font que, assez naturellement, sur un sujet ou une question donnée, le réflexe consiste à aller voir ce qui existe sur internet pour s’informer et aussi parfois le réutiliser. Mais les conditions de cette réutilisation vont parfois faire basculer le candidat de la recherche documentaire vers le plagiat. Et attention, si internet se révèle aujourd’hui la source documentaire la plus fréquemment à l’origine du plagiat, ce n’est pas la seule, la source plagiée pouvant être plus classique, qu’il s’agisse d’ouvrages ou d’articles.

 

Qu’est-ce que le plagiat ?

Le plagiat se définit comme « l’acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris dans l’œuvre d’un autre»[1]. En pratique, cela consiste à utiliser les écrits d’une autre personne pour se les réapproprier, sans citation, ni référence. Le plagiat constitue une infraction à la réglementation sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur. Dans le cadre d’un examen, le plagiat revient à tenter de faire croire à des examinateurs que l’on est l’auteur d’écrits qui en réalité ont été empruntés à d’autres. Transposé à l’épreuve de rédaction du mémoire d’expertise comptable, le plagiat  consiste à reprendre des développements dans le cadre d’un paragraphe, d’un chapitre voire d’une partie, souvent par copie ou par copier-coller et sans la moindre référence quant à la provenance ou l’origine de ce qui est écrit, ce qui tend à laisser croire aux examinateurs que la rédaction est intégralement l’œuvre du candidat.

C’est souvent dans la première partie du mémoire d’expertise comptable, à l’occasion de développements généraux destinés à resituer la problématique dans un contexte plus général  que, par souci de simplification, des candidats cèdent à la tentation de reprendre des passages entiers d’études, de textes ou d’ouvrages repérés en ligne ou encore des extraits de mémoires d’expertise comptable soutenus lors de sessions précédentes et déposés sur Bibliotique. Le candidat a tendance à considérer que ce qu’il lit dans un autre mémoire, dans un ouvrage ou en ligne correspond assez précisément à ce qu’il avait l’intention d’écrire lui-même et, par voie de conséquence, il le reprend en l’état. Sauf que, en procédant ainsi, il se rend coupable de plagiat. Et naturellement, la circonstance que les pages plagiées se rapportent à des aspects descriptifs et non à la partie « opérationnelle » du sujet n’est en rien une circonstance atténuante.

S’agissant d’internet, le fait de pouvoir  accéder librement à des textes en ligne n’entraîne nullement le droit de se réapproprier tout aussi librement ces écrits. La diffusion en ligne ne dispense pas de respecter la règlementation sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. C’est souvent là que se situe la difficulté, ou du moins la justification, qu’évoquent souvent les candidats : parce qu’une information est en libre accès sur internet, elle est présumée librement utilisable. Il n’en est rien.

Quels sont les risques encourus en cas de plagiat ?

Le plagiat constitue en soi un cas de fraude aux examens. Dans le cadre d’un mémoire d’expertise comptable, la sanction peut être double. La commission d’examen qui constate le plagiat en tiendra naturellement compte dans l’évaluation du mémoire en retirant des points, voire en attribuant une note éliminatoire au candidat. Mais la commission d’examen peut également, si le plagiat est important, rédiger un rapport à destination du jury national en demandant à ce dernier d’engager auprès de la direction du service inter académique des examens et concours une procédure de fraude aux examens. Cette procédure pourra déboucher sur une sanction allant de la relaxe (si le plagiat n’est pas avéré) à l’annulation de l’épreuve pour le candidat et l’interdiction de se présenter à tout examen pendant une ou plusieurs sessions.

Mais cette sanction sera naturellement modulée en fonction de l’importance et de la nature des « emprunts » réalisés par le candidat.  Si le plagiat se limite par exemple à une phrase sur un mémoire de 100 pages, la commission d’examen qui la constate se cantonnera le plus souvent à une remarque de principe lors de la soutenance, souvent consignée sur la feuille d’évaluation et d’une pénalisation sur la note finale par le retrait de quelques points. Si le taux d’« emprunt » est jugé plus conséquent, la procédure pour fraude pourra être engagée.

 

Comment se détecte le plagiat dans un mémoire d’expertise comptable ?

La présence de passages plagiés dans un mémoire d’expertise comptable se détecte soit de manière « directe », soit de manière « indirecte ».

La détection directe résulte tout simplement du « passage » du mémoire au logiciel anti-plagiat. Ce passage n’est pas systématique dans la mesure où tous les correcteurs n’ont pas libre accès à un logiciel anti-plagiat et que l’opération demande un petit temps de traitement. Le contrôle est donc aléatoire. Il faut savoir néanmoins que les logiciels sont en règle générale très performants dans la mesure où ils fournissent un taux de plagiat global qui est ensuite affiné par subdivision du document. Mais à chaque fois que le logiciel soupçonne un emprunt extérieur, il précise dans son rapport la source probablement visitée et empruntée. Il reste au correcteur à aller consulter la source concernée et à constater l’emprunt, quitte à présenter les documents au candidat le jour de la soutenance.

La détection indirecte est en réalité une procédure en deux temps.  Il ne s’agit pas cette fois de soumettre le mémoire au filtre d’un logiciel anti plagiat mais simplement de constater dans un premier temps, à la lecture du mémoire, certains indices qui laissent à penser que certains passages ne sont pas écrits par le candidat. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer par exemple la rupture dans le style. Chacun a son propre style de rédaction, avec une certaine manière de construire les phrases. Or, sur certains passages repris, le lecteur va constater, par exemple, que la tournure des phrases, leur longueur ou leur construction n’est plus la même. De même, le lecteur va constater que le champ lexical utilisé est différent, que la grammaire est soudain maîtrisée ou encore que la densité des fautes d’orthographe s’amoindrit brutalement. Autant d’éléments qui vont attirer l’attention du lecteur et l’inciter à procéder à des investigations plus avancées sur le caractère original de ce qui est écrit. Enfin, la détection peut résulter d’un quasi-aveu de la part du candidat lors de la soutenance. Mis en difficulté sur une question, le candidat indique pour sa défense que la position adoptée dans le mémoire sur tel ou tel point est extraite directement d’internet ou d’un article, qui ne sont pas cités… Enfin, n’oublions pas que les membres des commissions d’examen sont assez souvent des personnes qui sont spécialistes du domaine sur lequel le candidat a choisi de rédiger son mémoire. Cette spécialisation fait que les examinateurs sont assez naturellement portés à lire ce qui s’écrit ou se publie régulièrement sur le domaine. Certains auteurs n’éprouveront donc aucune difficulté à reconnaître les écrits de confrères ou de collègues, quand ce ne sont pas leurs propres écrits !

 

Quelles mesures de prévention ?

 

Les mesures de prévention doivent porter sur le fond et sur la forme.

Sur le fond, et comme cela a déjà été précisé, il ne faut pas considérer que tout ce qui est mis en ligne est présumé exact et de qualité. Le futur professionnel doit savoir conserver un regard critique sur l’information publiée qui peut être incomplète, inexacte ou périmée.

Sur la forme, il faut respecter les règles du jeu et attribuer loyalement à leur auteur les passages qui leur sont empruntés et cela même s’il s’agit d’un extrait d’une circulaire ou d’une instruction administrative. Dans le corps du mémoire, il y a donc lieu de procéder aux renvois en notes de bas de page, à chaque fois que cela est nécessaire en citant les références conformément aux prescriptions qui sont données dans la note du jury aux candidats. En particulier sur les sites internet, il faut citer l’adresse de la page et la date de la dernière consultation. En fin de mémoire, la bibliographie, elle aussi présentée de manière structurée et conformément aux instructions données dans la note du jury, doit permettre de lister les sources à partir desquelles le mémoire a été rédigé.  

 Les règles de déontologie applicables au professionnel appellent de sa part un comportement irréprochable. C’est le même comportement qui est attendu des candidats qui soutiennent leur mémoire d’expertise comptable.

 

 

Martial CHADEFAUX – juin 2016

[1] Définition dictionnaire Larousse

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