12 septembre 2018

La loi du 22 mai 1946 institue les régimes de base de tous les assurés sociaux, sauf quand ils dépendent d’un régime qui préexistait et qui sont devenus les « régimes spéciaux », et encadre la création des régimes de retraite complémentaire obligatoires (AGIRC créée en 1947 et ARRCO créée en 1961, et rendus obligatoires en 1972). Le principe de fonctionnement est basé sur l’équilibre entre les cotisations versées par les actifs et les pensions perçues par les retraités.

En 1947, l’espérance de vie d’un homme était de 62 ans et celui d’une femme de 67,5 ans. Elle est passée à 80 et 85 ans, et le chômage reste structurellement très élevé. L’équilibre démographique ne se fait plus depuis trop longtemps, pas plus que l’équilibre économique. Ainsi en 1947 les chances de bénéficier longtemps de sa retraite étaient très minces. En 2018, en moyenne on pourra en bénéficier pendant 18 ans si l’on est un homme et 23 ans si l’on est une femme. L’enjeu du revenu différé est tout autre.

La retraite par répartition est un des piliers du « contrat social » en France, c’est la raison pour laquelle il est très difficile de la réformer. Déjà en 1991 dans son livre blanc sur la retraite Michel ROCARD indiquait « ne rien faire est exclu, ce serait accepter le scénario de l’intolérable tant sur le plan social qu’économique »(1)

Beaucoup de réformes sont passées sous les ponts depuis 1991 mais le régime de base reste déficitaire et, tout ce qui a réformé le régime de base (sauf l’allongement progressif de la durée d’assurance qui n’aura un effet qu’à long terme) a eu un effet négatif, pour l’Agirc et l’Arrco et en particulier la réforme de 2012 augmentant les possibilités de départ pour carrière longue.

En 2014, la cour des comptes (2) alerte sur la situation financière intenable des régimes complémentaires des salariés l’AGIRC et l’ARRCO qui sont déficitaires depuis 2009.

(1) « Livre blanc sur les retraites » , La documentation Française , Avril 1991. (2) « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (Agirc et Arrco) ». Rapport public thématique, décembre 2014 – Cour des comptes

La Cour suggère la mise en œuvre de solutions capables de dégager un effort annuel de plus de 5 milliards d’euros, dès 2018 et «un effort cumulé de plus de 120 milliards, à l’horizon 2030,  sans exclure aucun des leviers disponibles».

Face au mur, en octobre 2015 les premiers effets se font sentir avec l’accord AGIRC ARRCO qui prévoit des mesures en deux temps :

Dès 2016 :

–        Diminution des pensions (pendant 3 ans) de 1 point avec clause plancher

–        Décalage de la date de revalorisation des pensions au 1er Novembre

–        Augmentation du coût d’achat du point pendant 3 ans

–        Renouvellement de la contribution exceptionnelle temporaire pendant 3 ans

–        Extension de la cotisation AGFF à la Tranche C des salaires

Les deux premiers points permettent de réaliser 3,4 milliards d’économies sur les 3,6 prévues.

Puis à partir de 2019 :

–        Fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO

–        Création d’un coefficient de solidarité applicable à tous les nouveaux retraités remplissant les conditions de taux plein au régime de base pendant les 3 premières années et au maximum jusqu’à 67 ans ( – 10% par an pendant 3 ans)

–        Création d’un coefficient majorant pendant un an  pour les salariés prolongeant leur activité au-delà de la date à laquelle les conditions du taux plein dans le régime de base sont remplies.

–        Augmentation du taux d’appel (qui passe de 125% à 127%)

–        Baisse des dépenses de gestion de 300 millions sur 3 ans et baisse des dépenses d’actions sociales sur la même période

–        Un système de pilotage « automatique » donnera la possibilité de moduler le niveau des pensions en cas de déficit financier (le système pourra jouer sur la valeur de service du point de retraite)

Dans le régime de base, à compter du 1er juillet 2016 et jusqu’au 1er janvier 2022 l’âge de retraite à taux plein va progressivement passer de 65 à 67 ans. Cette borne d’âge permet de toucher une retraite de base sans abattement même si l’on ne dispose pas de tous ses trimestres de cotisation.

D’autres mesures très impactantes voient le jour. La publication de 2 décrets au JO du 5 mai 2017, confirme l’entrée en vigueur du dispositif LURA (Liquidation Unique des Régimes Alignés) au 1er juillet 2017. Cette réforme s’applique aux assurés nés à compter du 1/1/1953.

Selon l’article L 173-1-2 du code de la sécurité sociale, la LURA concerne les assurés relevant (ou ayant relevé) successivement, alternativement ou simultanément d’au moins 2 des régimes suivants :

  • Le Régime Général (RG) ;

  • Le régime des Salariés Agricoles (SA) ;

  • Le Régime Social des Indépendants (RSI). 

Cette réforme pénalise lourdement les assurés ayant cotisé simultanément pendant une longue période à deux des trois régimes concernés et ayant un revenu cumulé supérieur au PASS. Rappelons que les polypensionnés représentent 20% des futurs retraités.

D’autres mesures sont prises pour faciliter le cumul emploi retraite mais en supprimant les droits assis sur les cotisations. En effet, depuis le 1er janvier 2015, un assuré qui liquide une première pension de retraite, quel que soit le régime versant la pension de retraite ne peut plus se créer de nouveaux droits à la retraite dans un autre régime.

Les cotisations de base et complémentaires versées ne sont plus productives de nouveaux droits à la retraite même si la retraite du régime dont dépend l’activité exercée n’est pas liquidée. Et ceci, quel que soit l’âge auquel la personne liquide ses droits.

Il y a une exception à cette règle : les assurés demandant une retraite progressive se créent de nouveaux droits. Toutefois les mandataires sociaux ne peuvent pas en bénéficier. Il faudra choisir son statut en conséquence (TNS ou assimilé salarié).

Puis ,  depuis le mois de mai dernier ,  le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean Paul DELEVOYE,  a entamé les consultations des partenaires sociaux sur le grand projet de transformation des systèmes de retraite en un système de retraite universelle par points. Cette réforme devrait entrer en vigueur en 2025.

Selon la DRESS, en 2018 il existe 42 régimes pour 308Md€ de prestations versées. Les engagements sociaux hors bilan de l’état s’élèvent à 2000 milliards d’euros. L’ambition est de créer un système universel par points, déconnecté de l’âge de départ, (même si on garderait l’âge de 62 ans comme un minima), transférables au cours de la vie professionnelle quelle que soit l’activité exercée, avec une convergence des taux de rendement, des taux de cotisation employeur/salariés. Mais des contradictions apparaissent déjà dans le projet, on garderait quelques spécificités (pour les militaires, les indépendants par exemple). Que deviendraient les droits familiaux, la majoration pour enfants, les périodes d’invalidité, les séquences de chômage, les minima de pension et la pension de réversion qui représentent aujourd’hui 20 % du volume des retraites, soit 60 milliards d’euros On voit la complexité et les enjeux de cette réforme.

Le montant moyen mensuel des pensions de droit direct, y compris majoration pour enfants, tous régimes confondus (de base et complémentaire) est estimé à 1389€ en 2016 avec des disparités très grandes entre les hommes et les femmes (les femmes percevant 38,75% de moins en moyenne que les hommes). Les réformes pèsent sur le niveau des pensions années après années et le Conseil d’Orientation des Retraites prévoit une baisse des revenus des retraités à long terme (Dans le simulateur du COR, on peut voir que le niveau de vie des retraités qui est actuellement de 106% de celui des actifs en y intégrant les revenus du capital,  devrait, avec la législation actuellement en place, diminuer progressivement pour atteindre 74% du niveau de vie des actifs en 2060)

Dans ces conditions, ne pas prendre en considération le revenu futur de son client avec autant de soin que la rémunération immédiate en l’orientant tout au long de sa vie professionnelle, lui serait très dommageable.

Les questions sont très nombreuses :

–        Quel statut choisir au début de son activité ?

–        Doit on changer de statut à un moment donné de sa vie professionnelle? pourquoi ? comment ?

–        Est-ce que mon client envisage de partir avant 62 ans ou après ?

–        Est-ce que mon client envisage de continuer à travailler après sa retraite ?

–        Vers quel dispositif voudra-t-il s’orienter ? Cumul emploi retraite ou retraite progressive ?

–        Est-ce que mon client peut éviter le malus des régimes complémentaires ? Comment ?

–        Est-ce que mon client doit continuer deux activités dans deux régimes différents simultanément ?

–        Etc…

Le travail en interprofessionnalité permettra de trouver les meilleures solutions pour nos clients et le développement de missions nouvelles pour les cabinets.

Jean-Loup Clément, Responsable régional des partenariats Gan Assurances, région Ouest

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