21 mars 2019

Cet article a pour objectif de présenter les différentes obligations auxquelles doivent faire face les apiculteurs et particulièrement ceux qui souhaitent en faire une activité professionnelle à part entière par le biais notamment de la vente de miel. Les apiculteurs recensés en 2017 sont au nombre de 54 584[1]. Cette activité peut nécessiter un accompagnement de l’expert-comptable qui peut s’avérer fort utile pour le client. 

1.    Les obligations juridiques liées à l’activité

1.1 Se faire connaître auprès de l’Etat

Obtenir un numéro NAPI

L’apiculteur, qu’il soit particulier ou professionnel doit déclarer ses ruches (nombre et emplacement) afin de permettre à l’Etat d’effectuer un suivi sanitaire des abeilles. Il demandera à cet effet un numéro NAPI (numéro d’apiculteur) pour être référencé comme tel. Il faut en faire la demande en ligne sur le site du ministère de l’agriculture en remplissant l’imprimé CERFA 13995 (déclaration de détention et d’emplacement de ruches).

Une fois le numéro obtenu, l’apiculteur doit l’afficher sur son rucher (sur un panneau ou sur un corps de ruche).                      

Quand déclarer ses ruches ?

L’apiculteur doit déclarer ses ruches en ligne une seule fois par an entre le 1er septembre et le 31 décembre. Lorsqu’il s’agit de sa première déclaration, celle-ci peut se faire à tout moment.

             1.2 Exercer en professionnel

Lorsque l’activité de l’apiculteur se professionnalise, c’est à dire lorsque ce dernier décide de mettre fin à l’apiculture familiale et qu’il souhaite vendre le produit de ses ruches (miel par exemple), il doit obtenir un numéro SIRET. A cet effet, l’expert-comptable peut l’accompagner dans ses démarches de création d’une entreprise[2] (ou d’une société) en remplissant le formulaire P0 (ou M0), puis en le transmettant au CFE (Centre de Formalités des Entreprises) de la chambre d’agriculture.

1.3 Tenir un registre d’élevage

Il y a lieu d’informer l’apiculteur que la tenue d’un registre d’élevage est obligatoire lorsque ce dernier commercialise les produits de sa ruche (miel, cire, pollen…). Il doit conserver son registre pour une durée de 5 ans à partir de la date d’inscription de la dernière information.

Après avoir présenté les principales obligations juridiques liées à l’activité apicole, nous abordons les spécificités fiscales et comptables liées à cette activité.

2.     Les aspects fiscaux et comptables des apiculteurs

Il faut distinguer le régime de TVA du régime de bénéfice réalisé. En effet, les seuils diffèrent de l’un à l’autre.

2.1 L’assujettissement à la TVA

L’assujettissement à la TVA

Cette activité économique est soumise de plein droit à la TVA[3]. Toutefois, en dessous de certains seuils, la TVA ne sera pas appliquée.

L’apiculteur qui réalise un montant moyen de recettes annuelles, calculé sur deux années consécutives supérieur à 46 000 € est soumis au régime réel simplifié agricole (RSA). Les recettes à retenir pour apprécier le seuil de 46 000 € sont les recettes encaissées[4] entre le 1er janvier et le 31 décembre, pour leur montant HT, au cours des deux années de référence, et non les créances acquises au titre de cette même période. L’apiculteur ne sera pas soumis à la TVA en dessous de ce seuil.

Les taux de TVA applicables

L’expert-comptable informera son client assujetti sur la diversité des taux de TVA applicables aux produits de la ruche (et ses dérivés). L’objectif est d’éviter un éventuel redressement en cas de contrôle fiscal de l’administration.

5,5 %

10 %

20 %

Vinaigre de miel, sirop contenant du miel, pollen, miel, gelée royale, glace au miel, pain d’épice, confiture au miel, propolis (si assimilée à un additif alimentaire)

Essaims, de reines, de cellules royales, de cire…

Hydromel, bonbons au miel, nougat…

Figure 1 : Quelques taux de TVA de l’activité apicole…

 

2.2 L’existence de trois régimes fiscaux spécifiques

L’activité agricole procure un revenu catégoriel imposable à l’impôt sur le revenu avec les autres revenus du foyer fiscal.

Régime du micro BA (bénéfice agricole)

Le régime fiscal du micro BA est applicable si la moyenne des recettes[5] réalisées les trois dernières années est inférieure à 82 800 € HT. Dans ce cas de figure, l’apiculteur bénéficie d’un abattement de 87 % (avec un abattement minimum de 305 €). Ce régime fiscal est applicable lorsque l’apiculteur vend sa production.

Exemple :

Un apiculteur détenteur de 50 ruches, réalise au titre d’une année environ 13 kilos par ruche qu’il revend 13 € le kilo.

Eléments

Quantités

Prix

Montant

Recettes

50 * 13

13

8 450 €

–        Abattement de 87%

 

 

7 351,5 €

= Montant net

 

 

1 098,5 €

Figure 2 : Modalité de calcul du Micro BA

Le montant de 1 098,5 € sera ajouté aux autres revenus catégoriels du client pour déterminer son revenu net global imposable et l’impôt sur le revenu correspondant.

Il est possible d’opter pour le régime fiscal supérieur qui est celui du réel simplifié ou du réel normal. L’option pour ces régimes est valable deux ans. Il faut cependant vérifier que pendant cette période, l’apiculteur est toujours potentiellement soumis au micro BA.

L’expert-comptable va mettre en garde l’apiculteur sur une éventuelle décision d’acheter et de revendre du miel ou d’acheter et de revendre des produits dérivés. Pour ces activités, il sera soumis au régime du Micro BIC (bénéfice industriel et commercial) et non au Micro BA. En étant soumis à ce régime, l’abattement dont il pourra bénéficier sera de 71 %, au lieu de 87 % initialement.

Ce risque peut être atténué sous un régime réel d’imposition.

Régime du réel simplifié

Le régime réel est applicable lorsque la moyenne des recettes des trois dernières années est supérieure à 82 800 € HT et inférieure à 352 000 €.

L’expert-comptable peut conseiller l’apiculteur d’adhérer à un organisme de gestion agréé (OGA) en raison des différents avantages fiscaux que cela permet d’obtenir :

–        Absence de majoration du résultat fiscal de 25 %,

–        Bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu,

–        Bénéficier de la déductibilité du salaire du conjoint en totalité (loi de finances 2019)

Il est tout à fait possible d’opter pour le régime supérieur qui est le réel normal. 

Régime du réel normal

Le régime réel normal est applicable lorsque la moyenne des recettes des trois dernières années est supérieure à 352 000 €.

Moyenne des recettes des trois dernières années

< 82 800 €

Entre 82 800 € et 352 000 €

> 352 000 €

Régime fiscal

Micro BA

Réel simplifié

Réel normal

Figure 3 : Synthèse des régimes applicables en fonction des recettes

 

Activité accessoires[6] et régimes réels

Il existe une tolérance pour les activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de celle des bénéfices non commerciaux. Cette tolérance est réservée aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition.

Les produits accessoires pourront être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre des trois années civiles précédant la date d’ouverture de l’exercice, la moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales et non commerciales de ces trois années n’excède ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l’activité agricole au titre desdites années, ni 100 000 €. 

Sanctions possibles

Le professionnel du chiffre va attirer l’attention sur les conséquences de l’absence de déclaration du bénéfice agricole. En effet, il y a un risque d’amende (Article 1729 B du Code général des impôts) et d’évaluation d’office par l’administration fiscale. Elle va dans ce cas de figure procéder à la reconstitution du chiffre d’affaires réalisé par l’apiculteur.

Déclarer ses revenus

Les recettes de l’apiculteur doivent être déclarées en même temps que la déclaration d’impôt sur le revenu (2042) au mois de mai. L’expert-comptable peut accompagner efficacement son client dans ses démarches déclaratives et fiscales.

Régime fiscal

Déclaration

Micro BA

Souscription d’une déclaration spécifique « 2042-C-PRO ».

Réel simplifié

Déclaration spéciale 2139-SD

Réel normal

Déclaration spéciale 2143-SD

Figure 4 : Les différents régimes fiscaux applicables à l’impôt sur le revenu

L’application d’un régime fiscal spécifique rend nécessaire le respect de certaines obligations comptables y afférentes.

2.3 Les obligations comptables en fonction des régimes

Les obligations comptables des apiculteurs dépendent du régime fiscal qui leur est applicable.

Régime fiscal

Obligations comptables

Micro BA

Livre journal quotidien des recettes réalisées, factures à l’appui

Réel simplifié

Livre journal quotidien des recettes réalisées, factures à l’appui

Livre d’inventaire

Les copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses classées et annotées.

Le bilan et le compte de résultat sont simplifiés

Réel normal

Livre journal quotidien des recettes réalisées, factures à l’appui

Livre d’inventaire sur lequel figure les bilans

Les factures et autres pièces justificatives relatives aux recettes, aux dépenses (achats, frais, charges) et aux stocks

Figure 5 : Les obligations comptables des apiculteurs en fonction du régime fiscal

Actuellement, nombreux sont les apiculteurs qui ne connaissent pas avec précision l’ensemble des différentes obligations juridiques, fiscales et comptables inhérentes à leur activité. C’est l’expert-comptable qui constitue un interlocuteur privilégié de l’apiculteur et qui va exercer auprès de ce dernier son rôle de conseil.

Par Kada MEGHRAOUI, Diplômé d’expertise comptable, enseignant à l’université Paris 13 et à l’ENOES. Ancien élève de l’école nationale des finances publiques de Clermont-Ferrand.

 

[1] Source : Résultats de la déclaration des ruchers de la DGAL (Direction Générale de Alimentation).

[2] Source : Article 2 de l’ordonnance du 19/09/1945 : « L’expert-comptable peut aussi accompagner la création d’entreprise sous tous ses aspects comptables ou à finalité économique et financière. »

[3] Source : Article 256 du Code général des impôts (CGI).

[4] Les recettes encaissées correspondent au montant total des produits agricoles vendus, y compris les aides diverses, les subventions, les primes, l’autoconsommation….Sont à exclure principalement : les produits de cession d’un élément d’actif, l’aide à la rationalisation de la transhumance et les aides FranceAgriMer…

[5] Article 64 bis du CGI : « (…) Les recettes à retenir s’entendent des sommes encaissées au cours de l’année civile dans le cadre de l’exploitation, augmentées de la valeur des produits prélevés dans l’exploitation et alloués soit au personnel salarié, soit au propriétaire du fonds en paiement du fermage (…). ».

[6] Source : Article 75 du CGI.

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